ELABORATION, EXECUTION ET SUIVI-EVALUATION DES BUDGETS DES COLLECTIVITES TERRITORIALES. Quelle est l’implication des citoyens à Dori ?
ELABORATION, EXECUTION ET SUIVI-EVALUATION DES BUDGETS DES COLLECTIVITES TERRITORIALES.
Quelle est l’implication des citoyens à Dori ?
Le budget est un document capital dans la vie de toute structure. De ce fait, les collectivités territoriales ne font pas exception en la matière. Et de plus en plus, les citoyens sont beaucoup regardants pour tout ce qui concerne ce document. Mais à Dori, les citoyens se sentent-ils impliqués dans l’élaboration, l’exécution, le suivi et l’évaluation des budgets des collectivités territoriales ? C’est ce que nous avons voulu savoir ce jeudi 14 juin 2018. Constat.
Comme dit au début, le budget est document contenant les prévisions des recettes et des dépenses d’une structure. Et les collectivités territoriales se plient chaque année, à l’élaboration des budgets primitifs et ceux supplémentaires. Le contrôle de veille et d’éveil citoyen s’appliquant, les citoyens devraient être présents à plusieurs étapes pour ce qui concerne les budgets des collectivités territoriales. Mais à Dori, chef-lieu de la région du Sahel, comment se passent les choses ? Quelle est le degré d’implication des citoyens dans l’élaboration, l’exécution, le suivi et l’évaluation des budgets des collectivités territoriales ? Pour répondre à cette question, nous avons approché un certain nombre d’acteurs et voici ce qu’ils nous ont confié.
Notre premier interlocuteur, c’est Abdoulaye Hoéffi Dicko. Il est le président de la section provinciale du MBDHP/Séno, point focal du Centre d’Informations, de Formation et d’Etudes sur le Budget (CIFOEB) à Dori. Il est également le 2è vice-président du comité de contrôle citoyen du budget à Dori. A la question de savoir ce que c’est que la bonne gouvernance, Abdoulaye Hoéffi Dicko nous dira que «c’est bien gérer les biens publics». Et pour parvenir à cette bonne gestion des biens publics, l’implication des citoyens est nécessaire. Justement, c’est là que le bât blesse. En effet, et selon Abdoulaye Hoéffi Dicko, il y’a une amélioration par rapport au régime passé, mais dans la réalité, il n’y’a pas d’implication des citoyens. «Les acteurs des collectivités disent qu’ils sont transparents, mails ils ne nous impliquent pas dans l’élaboration ou l’exécution des budgets». Comme palliatif, M. Dicko, suggère aux acteurs des collectivités territoriales de passer de «l’intention à la volonté et de la volonté aux actes pour qu’il y’ait la transparence». Selon Abdoulaye Hoéffi Dicko, en impliquant les citoyens notamment les acteurs de la société civile, les collectivités territoriales gagneraient car elles auraient ainsi fédérer les forces vives et ce, pour le bien-être de toutes et de tous. «Une fois que tu es élu, tu n’appartiens plus à un parti politique et tu devrais travailler à réunir tout le monde autour de l’objectif commun, à savoir le développement» a conclu Abdoulaye Hoéffi Dicko.
Aboubacar Diop, citoyen de Dori dit n’avoir jamais été impliqué dans un processus budgétaire. «Je me rends compte que les gens ne sont impliqués ni dans l’élaboration, ni dans l’exécution car les toutes les couches sociales ne sont pas concertées». Et cette situation de non implication des couches sociales amène Aboubacar Diop à affirmer l’absence de transparence à ce niveau. «En impliquant toutes les couches sociales, les citoyens se sentiront concernés et auront davantage confiance aux acteurs et aux décideurs des collectivités territoriales» a conseillé Aboubacar Diop.
Oumar Diallo, juriste, vice-président du MBDHP/Séno et membre de l’association Suuka Séno, trouve que l’implication des citoyens dans l’élaboration, l’exécution, le suivi et l’évaluation des budgets des collectivités territoriales est un véritable serpent de mer. En effet et selon Oumar Diallo, l’implication des citoyens est conseillé mais n’est pas effectif sur le terrain. «Le citoyen a sa place depuis le diagnostic jusqu’au suivi et à l’évaluation des politiques et programmes de développement mais tel n’est pas le cas sur le terrain» nous a confié Oumar Diallo qui a aussi cité des exemples comme le PUS-BF dont l’élaboration a été concoctée depuis Ouagadougou. Selon Oumar Diallo, c’est seules certaines organisations qui se prêtent à l’implication des citoyens. Et comme exemple, M. Diallo a cité le cas du National Democratic Institut, (NDI). A la question de savoir le pourquoi de l’absence de l’implication des citoyens, Oumar Diallo a cité le manque de volonté politique d’une part et le manque de confiance au niveau de compréhension des populations à la base, d’autre part. «Toujours est-il que tout ce que vous faites pour la population sans la population, sachez que vous le faites contre la population» a conclu Oumar Diallo.
Mais que disent les collectivités territoriales ? Cette question nous a conduits à la mairie de Dori. Sur le perron, Boureima Bokoum, le 1er adjoint au maire de la commune urbaine de Dori. Visiblement il était sur le point de sortir. «Monsieur le Maire pouvez-vous nous accorder cinq minutes de votre temps ?» Avons-nous introduit aussitôt les salutations faites. «Je suis attendu au gouvernorat et je suis déjà en retard. Mais dès mon retour, je vous appellerai» nous a-t-il répondu en se dirigeant vers son véhicule. Nous attardant pour saluer quelques personnes présentes, nous aperçûmes le député-maire, Ahmed Aziz Diallo. «Puis-je avoir cinq minutes de votre temps Monsieur le Maire ?» Lui avons-nous demandé après le bonjour. «Et c’est à quel propos ?» Nous rétorqua-t-il. «C’est sur le budget des collectivités territoriales et l’implication des citoyens», lui avons-nous répondu. «Mais là, ce sont des choses qui se planifient» nous a-t-il répondu en s’engouffrant dans son bureau.
De la mairie de Dori, nous voilà au Conseil Régional du Sahel. En l’absence du Président du Conseil Régional, c’est Boureima Ouédraogo, le Secrétaire Général qui nous recevra. Après l’introduction du motif de notre présence, Boureima Ouédraogo nous confiera d’emblée que depuis les trois ans qu’il est au conseil régional, il n’y’a pas eu une véritable implication des populations dans l’élaboration des budgets du conseil régional. «Nos sessions budgétaires sont toujours ouvertes au public, mais personne ne vient y assister. A chaque fois, ce sont seulement les conseillers qui se retrouvent pour cet exercice» nous a précisé M. Ouédraogo. Poursuivant sa réponse, Boureima Ouédraogo nous révèlera son étonnement surtout vis-à-vis des organisations de la société civile. «Les OSC qui jouent le rôle de veille et d’éveil citoyens, ne s’intéressent pas assez à la question. La preuve, il y’a un comité de contrôle citoyen de budget dont nous avons signé l’arrêté et qui a été mis en place mais qui ne s’est jamais fait représenter à nos sessions» a précisé Boureima Ouédraogo qui s’interrogera en ces termes : «Je me demande si c’est nous qui ne donnons pas bien l’information ou bien ce sont les OSC qui ne viennent pas vers nous pour l’information». Selon le Secrétaire Général du Conseil Régional du Sahel, l’implication des citoyens dans l’exécution des budgets du conseil régional est très difficilement quantifiable. «Par contre au niveau du suivi et du contrôle, les citoyens nous suivent sur notre page Facebook où ils nous laissent des commentaires d’encouragement, de félicitation ou de critiques qui nous permettent de nous améliorer» a reconnu Boureima Ouédraogo, le Secrétaire Général de la collectivité territoriale régionale du Sahel. Et comme exemples, Boureima Ouédraogo nous citera le cas des critiques qui les invitaient à clôturer les enceintes des écoles par ces temps d’insécurité. Ou le cas de l’équipement octroyé au Centre Hospitalier Régional (CHR) de Dori pendant que la radiologie dudit centre était en panne obligeant les patients à se rendre jusqu’à Kaya pour leurs besoins en radiologie. «Cela prouve quand même que les citoyens sont impliqués d’une manière ou d’une autre au niveau du suivi et de l’évaluation dans les questions budgétaires au niveau du Conseil Régional du Sahel». Toutefois, et pour changer cette donne, Boureima Ouédraogo suggère l’organisation des journées dites de rédévabilité pour que les populations soient imprégnées de ce que doit être le Conseil Régional et de ce qu’il fait en leur faveur. «Ce sera sûrement un début pour briser ce mur et amener les citoyens à s’intéresser à la question» pense Boureima Ouédraogo. Quant aux OSC, «elles devraient vraiment jouer leur partition. C’est vrai qu’elles nous approchent mais elles ne jouent pas assez leur rôle» a remarqué Boureima Ouédraogo, le Secrétaire Général du Conseil Régional du Sahel.
Ainsi, au terme de notre périple de questionnements, nous nous sommes rendu compte que beaucoup reste à faire sur cette question d’implication des citoyens dans le processus d’élaboration, d’exécution, de suivi et d’évaluation des budgets des collectivités territoriales. Même si beaucoup d’autres choses ont déjà été faites, il urge de changer de fusil d’épaule pour une meilleure implication citoyenne dans ce volet et ce, pour un meilleur bien-être social et économique des populations.
Hama Hamidou DICKO
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