Parution de son ouvrage «Raie d’espoir comme saveur de liberté» suivi de «Clair-obscur de notre conscience», «Un livre est un monde et chaque livre lu ouvre son lecteur un peu plus au monde» dixit Marcellin Issiaka Traoré, journaliste-poète.
Parution de son ouvrage «Raie d’espoir comme saveur de liberté» suivi de «Clair-obscur de notre conscience»: «Un livre est un monde et chaque livre lu ouvre son lecteur un peu plus au monde» dixit Marcellin Issiaka Traoré, journaliste-poète.
Il s’appelle Marcellin Issiaka. Dans son carquois où étaient déjà bien logés l’enseignement et le journalisme, cet ex-pensionnaire de l’Ecole Normale Supérieure de Bamako, où il étudia les Lettres Modernes, y a ajouté l'écriture, notamment, la poésie. Après un séjour journalistique au Burkina Faso, Marcellin Issiaka Traoré retourne au bercail, plus précisément à Kati où il est actuellement Co promoteur d’une radio. Et c’est depuis Kati qu’il nous a accordé cette interview, par la magie de la technologie, pour nous parler de sa première œuvre poétique intitulée Raie d’espoir comme saveur de liberté suivi de Clair-obscur de notre conscience. Bonne lecture !!!
Qui est, brièvement, Marcellin Issiaka Traoré ?
Marcellin Issiaka TRAORE : Je suis natif de Kati où j’ai étudié et passé toute mon enfance. Après mes études supérieures en Lettres modernes à l’Ecole Normale Supérieure de Bamako, j’ai enseigné au lycée de 1996 à 2006. J’ai également une casquette de journaliste et je suis actuellement Co promoteur d’une radio à Kati après avoir travaillé dans ce domaine au Burkina Faso successivement au Centre des Médias Communautaires Africains (CEMECA) de Dédougou et au Centre Multimédia Kantigiya du Diocèse de Nouna. Mais j’avais déjà commencé à écrire des poèmes depuis 1990 alors que j’étais était au lycée. «Raie d’espoir comme saveur de liberté» suivi de «Clair-obscur de notre conscience» est ma première œuvre publiée.
Comment vous est venue la passion pour la littérature ?
Je pense d’abord que c’est à travers les études, en découvrant notamment les textes à l’étude depuis le primaire. Très tôt, je tenais également un carnet intime dans lequel je faisais des annotations au gré des événements de la vie. C’est véritablement en 11ème année (ce qui correspond à la classe de Première au Burkina Faso) que j’ai écrit mon tout premier poème intitulé «Espoir». J’étais loin de savoir que j’étais poète ! C’est un jour qu’un camarade de classe a écrit un poème et m’a proposé de le lire et d’y apporter au besoin des corrections (j’étais brillant en littérature). Quand j’ai lu le poème, je l’ai trouvé trop triste («Désespoir», était d’ailleurs le titre). Au lieu de corriger quoi que ce soit, j’y ai répliqué avec le poème «Espoir». C’est alors que mon camarade de classe m’a dit : «Marcellin, n’arrête plus jamais d’écrire des poèmes car tu es un véritable poète». Or dans nos causeries, mon père me disait souvent : «On naît poète mais on devient orateur», pour dire que si l’art oratoire s’apprend, la poésie, elle est innée. Cela a été une véritable révélation pour moi puisqu’après que mon ami ait dit que j’étais un véritable poète, la citation paternelle m’est revenue comme une sentence. Je suis alors retourné à mon carnet intime et j’ai transposé sous forme poétique les annotations dont j’ai parlées plus haut.
Pourquoi avoir choisi ou décidé d’écrire quand on sait qu’on peut aimer la littérature sans pour autant écrire ?
Comme expliqué, je n’ai pas du tout décidé ou choisi d’écrire. C’est plutôt l’écrit qui s’est imposé à moi. La tenue de mon carnet intime, on peut le dire était un acte volontaire, mais il n’était pas un acte conscient en ce sens qu’il n’y avait aucun a priori. J’aimais la littérature, si ce n’est peu dire ! Et c’est justement, peut-être, qu’en revenant à mon carnet intime plus tard que les réminiscences littéraires ont pu faire, pour ne pas dire «ont fait» leur œuvre.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous tourner vers la poésie ?
C’est la citation de mon père qui a trouvé un écho à partir de l’appréciation de mon camarade de classe. Je le dis avec conviction parce que si ce dernier m’avait donné un avis plutôt défavorable, les choses se passeraient sûrement autrement. Mon père et plus tard mon ami ont en fait levé pour moi un pan du voile de la poésie que par pudeur-inconscience je n’avais osé :
«Avec déférence, j’ai dévêtu la poésie
De sa robe légère et endiablée
Majestueuse dame
Dans son faste
Terrée, venant se frotter à mon sein maints soirs
Avant que naisse le jour.
J’ai enlevé du mur le tréteau bancal
Pour désormais entrer
Sans détour voir ma poésie
Majestueuse dame au voile permissif
Au terme de mes soirées galantes
Quand le soleil ensanglanté du soir
Me rappelle les douleurs du présent.»
Extrait de Raie d’espoir comme saveur de liberté suivi de Clair-obscur de notre conscience, P64.
Vous venez de publier et dédicacer deux recueils de poèmes intitulés «Raie d’espoir comme saveur de liberté» et «Clair-obscur de notre conscience». Parlez-nous brièvement de ces deux œuvres….
«Raie d’espoir comme saveur de liberté» et «Clair-obscur de notre conscience» sont en fait une partie du répertoire de textes poétiques écrits entre 1990 et 2020. Ils plongent tous les deux leurs racines dans le carnet intime auquel j’ai fait allusion plus haut. Ce qui est bizarre et surtout malheureux, c’est que je ne retrouve pas encore le poème «Espoir» qui m’a ouvert le chemin. Je ne sais pas pourquoi mais cela me torture.
Au début des années 2000, j’ai reçu d’un ami un recueil de poésie intitulé «Soif de liberté» écrit par Aliou KAMISSOKO. En fait, c’est tout une histoire que cette rencontre-là. En créant une radio avec des amis, nous étions à la recherche d’informations nécessaires pouvant nous permettre de peaufiner le projet. A l’époque, le poète KAMISSOKO était le Premier adjoint au Commandant de Cercle de Kati et je suis parti un jour pour le rencontrer. Sur place on me confie qu’il est en déplacement. Plusieurs jours plus tard, je repasse pour le voir et je vois qu’on pleure partout. Je me renseigne et on m’annonce que c’est Aliou KAMISSOKO qui est décédé. En fait il était parti pour des soins la première fois que j’étais passé mais on ne me l’avait pas dit. C’est quand des années après j’ai évoqué cela à mon ami, il en était étonné : il a été le précepteur des enfants KAMISSOKO et mieux, il me confie que le défunt était poète et qu’il lui avait remis un exemplaire de son recueil «Soif de liberté». C’est ainsi qu’il me l’a offert à son tour et depuis ce jour j’ai trouvé et dédicacé mon recueil «Raie d’espoir comme saveur de liberté» à Aliou KAMISSOKO. Le poète défunt avait soif de liberté et il en fallait tout un gobelet d’où cette dédicace de «Raie d’espoir comme saveur de liberté», P19:
«Au poète disparu Aliou Kamissoko,
Ce grand gobelet d’espérance
Pour étancher, outre-tombe, ta soif de liberté ! »
Dans le recueil, j’évoque les pages de ma vie, mes états d’âme. Il y est question d’amour, d’injustice, de naissance, de guerre mais aussi de paix. La tonalité majeure est la tristesse :
« Le vent de l’amertume
Tourne les pages de ma vie
Aujourd’hui avec cette plume
Qui connaît tant mes souffrances
Je vous propose d’entrer dans ma loge ! »
« Poème !
Que le vent qui t’emporte
Sortant de cette bouche de fleur et de feu
Parcours les cœurs et caresse les douleurs
En ces vers j’ai mis mon âme,
Toute mon âme d’homme souffrant
Qu’ils plaisent ou qu’ils dégoûtent
Ils viennent d’un cœur ouvert et meurtri.
Qu’ils blessent puisque nés d’une blessure
Surtout qu’ils soient compris même si Incompris demeure le poète
En ces vers si chauds,
En ces romances où coulent la souffrance et le désespoir
J’ai cru entendre et comprendre la complainte des cœurs
Qui saignent
Et les mélancoliques refrains des amours qui s’en vont.
Ô vent qui emporte mon âme à travers ces vers
Que le plaisir et l’émotion des cœurs qu’ils effleurent
Soient ta récompense pour les siècles des siècles ! »
Août 1993.
P25
Pour ce qui est de «Clair-obscur de notre conscience», il y a une nette évolution dans la thématique puisque je touche à des sujets d’actualité en dehors même des aspects spécifiquement politiques concernant la conduite des affaires. Mais je le fais toujours de façon subtile, n’étant pas un militant ni un oiseau de mauvaise augure mais un artiste. Dans les propos liminaires de «Clair-obscur de notre conscience», je note:
«Nous ne sommes pas des politiques, nous autres. Avec notre angle de vision parfois biaisé par l’émotion, nous revendiquons la part de bonheur du peuple, le "petit peuple". Lisez entre les lignes, allez au-delà des dires, imaginez l’insondable : c’est seulement à ce prix que vous rencontrerez le peuple, le vrai et le petit peuple qui est encore le peuple de Dieu. Je ne sais pas si c’est la colère qui m’éprend, Je ne sais si c’est de l’aversion ou autre dégoût face au "mal vivre ensemble" que traverse mon pays qui m’aveugle, je suis loin d’être à l’aise. Contrairement au militant qui s’engage et au rebelle qui prend le maquis, nous autres usons de notre plume. Les actions des premiers se voient à court et moyen terme tandis que pour nous autres … Nous mourons bien souvent sans voir se réaliser ce que nous prophétisons : prophétisons quand-même ! »
P56
Il y a un grand malaise que j’éprouve quand j’entends et je vois aujourd’hui mes compatriotes se frapper la poitrine en se disant descendants d’empereurs alors que nos peuples sont subjugués de toute part. Cette attitude crée une révolte en le poète, même s’il le dissimule tant soit peu.
« Labyrinthe bigarrée
Nous faufilons, aveugles et cois,
Dans les méandres du temps
La rixe est notre quotidien.
Chemin blafard
Nous sommes les maudits descendants d’empereurs.
Avec entrain, nous partageons,
Ehontés, imberbes et chenus,
Le fiel extravagant de notre dichotomie et
Notre couche de misère rafistolée
Quand se repose indolent et soucieux le soleil des grands. »
P58
Mais ce malaise n’est pas dévolu qu’aux dirigeants même s’ils en portent une large part. Nous en sommes tous responsables, bien qu’à des degrés différents. C’est pourquoi tout le monde est interpelé:
« Nous allons à reculons et narguant, pauvres hères
Des dissensions, l’effort des doux, l’effort du Grand.
Les armes clament notre contradiction
Et nos verbes proclament l’arrogance de notre posture.
Notre niaiserie bancale claudique à l’image de notre société :
Édiles, soignez nos plaies,
Vous, plaie béante dans l’entrejambe
De notre dysharmonie consommée. »
14 novembre 2018. 15h16.
PP58-59
D’autres thèmes en rapport avec l’actualité y sont touchés mais je laisserai le soin au lecteur de se faire son idée des deux écrits.
Quels messages substantiels y véhiculez-vous ?
Même si les poèmes sont particulièrement tristes, les messages sont des messages d’espoir et de paix, au-delà même des turpitudes du moment, pour dire que le dernier mot n’est pas la débandade ni la pandémie, encore moins la risée à la face du monde mais plutôt un signe des temps que seuls les initiés comprennent. Et dans cette lutte-affirmation nous croisons le fer avec trois grands ennemis : le satané, l’extrémiste et le couronné. A chacun d’eux s’adresse ici un extrait :
Extrait 1 :
« Arbre feuillu, dentifrice de nectar,
Rébarbatifs et perfides, nos projets rafistolés
De vaines tentatives,
Nous jubilons pour l’effluve évanescent de ton haleine.
Trismégiste, épargne-nous tes maudits saltimbanques qui
Ingurgitent notre prématurée défaite. »
P66
Sommes-nous faibles et tombés aussi bas que cela ? Que nenni !
Extrait2 :
« Pour eux la gloire est dans le vacarme et
Le triomphe dans l’invective.
Beau et grand silence toujours enseigné :
Montre-nous ta force
Et,
De ta balsamique vertu, cadenasse nos langues
Car ce n’est point par peur qu’on se tient coi ! »
Enfin extrait 3 :
« La faucille argentée est notre diadème
Que depuis convoite la maléfique reine couronnée.
Mais au sommet nous levons haut le champêtre outil
Qui éblouit la vue tumulaire de la reine couronnée
Éclat nocturne montrant un chemin,
Nous suivons la voie lactée
Qui est un chemin de vie. »
Comment ces œuvres ont-elles été accueillies par la communauté littéraire du Mali en général, et en particulier de Kati-Bamako, là où vous résidez ?
C’est un peu tôt de parler de cela car très peu de personnes ont ces œuvres-là. Le lancement a eu lieu le 31 octobre 2020 tout près. Il faut donner le temps aux lecteurs de découvrir l’œuvre. Une série d’activités comprenant des rencontres avec le public sont en perspective avec l’éditrice qui du reste est très bouillante. Mais il faut signaler aussi que la poésie n’est pas accessible à tous. Il faut plus d’efforts intellectuels pour découvrir la quintessence d’un poème. C’est justement des échanges comme ce que vous faites qui ouvrent des portes d’entrée pour beaucoup.
Apparemment vous avez mis une trentaine d’années pour peaufiner ces deux œuvres… Pourquoi tout ce temps ?
Pour une raison fondamentale : il y a un lien très intime entre ma vie et mes écrits au point que pendant tout ce temps très peu sont ceux et celles qui les ont lus. Depuis plus de trente ans j’écris et ça continue mais je n’avais jamais accepté de publier si ce n’est sur l’insistance durant plusieurs années d’une amie qui finalement est devenue éditrice, mon éditrice. Elle a tellement aimé mes écrits et s’en est tellement attachée que finalement ça aurait été un pêché que de continuer à lui refuser la publication. Elle a été d’une fidélité extraordinaire à ma poésie : plus de vingt-cinq ans qu’elle me lit et relit. Je lui ai finalement donné tous mes écrits à l’exception d’un seul recueil que j’ai donné pour une cause humanitaire.
Attendre une trentaine d’années sans publier ses écrits est difficile à comprendre, c’est vrai. Mais j’ai toujours pensé (peut-être à tort comme on me le dit très souvent) que les publier équivaudrait à étaler ma vie en public, or je ne suis pas de cette nature.
Une des raisons que je n’évoque pas souvent est que j’ai une plume prémonitoire.
P67 : « Monde aveugle,
Cécité blafarde des êtres qui ont épousé les étoiles
Oracle sans cesse reporté,
Les sept sceptres sertis de diamant sont un diadème
Au front du monde en agonie
Les sujets à l’onction grouillent à l’entrée
Mais plus étroite est la porte.
La perdition a pignon sur rue
Mais l’Eternel tend Son bras salvateur
Sur les humains agités ! »
Le 28 octobre 2012 à presque deux semaines de mon retour au pays (je venais de passer quelques années au Burina Faso), suite à un songe j’ai écrit ceci :
« Voici le signe du nadir
Il m’a été envoyé d’outre-tombe
Il sera un signe, il sera la nouvelle alliance
Trentegénèse, je t’appellerai signe du nadir
Pour immortaliser mon père. »
Le 12 mai 2020, je reçois un coup de fil d’un ami de longue date qui me dit que je viens d’avoir un homonyme. En effet sa femme venait d’accoucher d’un garçon qui a pris le nom de Issiaka Marcellin KONARE. Le manuscrit du recueil était déjà envoyé à l’éditrice. Mais je lui ai spécialement demandé l’ajout de cette dédicace à laquelle je tenais et qui était une prémonition :
À Issiaka Marcellin KONARÉ qui vient de naître.
Tu es venu en signe du nadir Illuminer ma vie :
« Voici le signe du nadir
Il m’a été envoyé d’outre-tombe
Il sera un signe, il sera la nouvelle alliance
Trentegénèse, je t’appellerai signe du nadir
Pour immortaliser mon père. »
Ces vers n’étaient que prémonition. C’est toi la réalité !
Quelles sont les difficultés actuelles de la littérature malienne, africaine et de la poésie en particulier ?
En ce qui concerne les difficultés, je ne peux pas en dire beaucoup car je suis nouveau dans le domaine de la publication. Mais par mon expérience dans l’enseignement, je sais que le circuit du livre (l’édition et la promotion en particulier) relève d’un parcours de combattant. L’édition coûte cher tout comme la promotion et de surcroît en poésie. S’il n’y a pas un sponsor derrière, les choses peuvent être très compliquées. Pour ce qui est de mon cas, je n’ai eu aucun problème car j’ai été sponsorisé par mon imprimeur grâce à l’engagement très fort de mon éditrice.
La lecture étant un des meilleurs canaux d’apprentissage, quel message avez-vous à l’endroit du lectorat ?
C’est dommage qu’on lise de moins en moins de nos jours. Un livre est un monde et chaque livre lu ouvre son lecteur un peu plus au monde. Ce sont des expériences qui sont contenues dans les livres, des façons de percevoir le monde, la vie, les relations humaines et sociétales. Bref un livre est pour moi un adjuvant pour l’Homme dans sa quête de sa pleine réalisation.
Un mot pour se dire à tantôt du moment où on ne peut jamais clore un débat ou un entretien…
Celui qui écrit un livre a le mérite d’avoir montré un chemin, son chemin à lui. Il n’est certes pas le mieux adapté, ce chemin ; il peut cependant rencontrer d’autres plus ou moins étroits afin de construire un boulevard. Je remercie mon éditrice qui a toujours cru en moi et qui a voulu que mes idées soient partagées. Je remercie mon imprimeur qui a facilité cette tâche.
Je dis merci aux lecteurs de vos articles comme à tous les lecteurs en général. Je vous dis également merci pour votre passion qui dépasse les frontières d’un pays et qui déconstruit les préjugés. Bonne et heureuse année 2021 à tous.
Hama Hamidou DICKO
Tel (00226) 70.68.09.74// (00226) 78.28.13.98// (00226) 74.85.40.90
E-mail: dick2h@yahoo.fr// hhdicko@gmail.com
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