Koury, le premier campement colonial dans la Province de la Kossi, au Burkina Faso
PROVINCE DE LA KOSSI.
Koury, le premier campement colonial.
La Région de la Boucle du Mouhoun s’apprête pour la réussite de la célébration du 54ème anniversaire de l’indépendance du Burkina Faso, anciennement Haute Volta. Si Dédougou est actuellement le chef lieu de cette région, beaucoup ignorent qu’il a fallu de peu pour que Koury, village situé dans la Kossi ne devienne la capitale régionale. Mais que s’est-il passé? Nous étions dans ce village ce samedi 22 mars 2014 pour mieux comprendre les choses. Recit d’une visite de découverte.
Pour se rendre à Koury en quittant Nouna, il faut prendre la route qui mène à Gassan en passant par Soin et Koro. Après cinquante (50) km de route vers l’Est, vous êtes à Koury, village de la commune rurale de Sono, qui est à neuf (09) km de là. A première vue d’œil, rien ne distingue ce village de sept cent quarante (740) âmes, des autres bourgades situées le long de l’axe. Il faut donc avoir ouï dire ce qui le distingue pour y effectuer le déplacement. «Saviez-vous que le premier campement et le premier cimetière coloniaux sont à Koury?» nous a lancé un jour un interlocuteur. Pour avoir le «cœur net» comme on le dit triavialement, nous avons décidé de braver les cinquante (50) km de route (pardon, de piste) exécrable et très peu praticable, pour nous rendre à Koury. A l’entrée du village, arrêt et salutations de courtoisie à l’équipe de l’école du village. Accueil chaleureux du directeur Lassina Yé et tout son staff qui sentaient l’air des congés du deuxième trimestre. Cap ensuite chez le conseiller municipal. A 08h00, Boureima Koéta, puis que c’est de lui qu’il s’agit, s’apprêtait à se rendre à Sono pour une rencontre. Néanmoins, il nous a très bien accueillis. Assisté de son grand frère et par ailleurs chef du village, Ali Koéta, le conseiller municipal Boureima Koéta nous a écoutés avant de nous conduire chez «le plus vieux notable» du village. Le vieux notable en question est Soumana Djibo dit Pissi. Agé de soixante seize (76) ans, c’est dans sa maison que le «Vieux Pissi» nous a reçus. C’est une véritable «bibliothèque» de Koury qu’il nous a été donné de rencontrer. En effet Soumana Djibo dit Pissi, a eu à assumer beaucoup de responsabilité dans le village de Koury. A l’époque coloniale, il servait d’envoyé pour le chef du village et à l’époque révolutionnaire il fut le délégué du village de Koury. Ce n’est qu’à l’étape de la communalisation intégrale et l’âge venant, qu’il a passé la main «aux jeunes», nous a-t-il précisé. Pour des besoins de traductions, appel a été fait à Jean Paconé Yéyé, agé de cinquante huit (58) ans. Tout d’abord le notable Djibo nous a expliqué que son surnom dérive du mot «Police» qui, mal prononcé est devenu Pissi. C’est un surnom hérité de sa jeunesse. A écouter le Vieux Pissi, Koury était premièrement occupé par des Bwaba qui ont accueilli et cohabité avec les Marka ou Dafing, ethnie majoritaire actuellement dans le village. «Nous avons appris que Koury abrite le premier campement et le premier cimetière de l’ère coloniale» avons-nous introduit. «Effectivement» nous a répondu notre interlocuteur avant de se lancer dans des explications et témoignages. «C’est sous le règne de Karamogo Koté que les Blancs sont arrivés ici» a commencé notre interlocuteur qui a précisé qu’avant de s’installer à Koury, les colons avaient fait trois (03) ans à Sono, actuellement commune rurale éponyme. De Sono, ils sont venus à Koury car «Sono était très islamisé à leur goût» a révélé le vieux Pissi. Selon ses dires, arrivés à Koury, les Blancs ont installé un camp militaire au bord du fleuve. Après la fin du règne de Karamogo Koté, Ziti Koté l’a remplacé et les colons étaient toujours là. Ils ont passé huit (08) ans à Koury avant de mettre le cap sur Dédougou. Donc ils ont totalisé onze (11) ans dans cette zone a précisé Soumana Djibo dit Pissi. «Mais pourquoi sont-ils partis?», avons-nous interrogé. «C’est sous le règne de Mama Koté que les colons ont quitté Koury pour Dédougou. Leur départ n’est pas dû à une quelconque palabre ou guerre. Les colons étaient tout simplement décimés par les moustiques et les mouches tsé-tsé» a rélaté le Vieux Pissi. Poursuivant son recit, il nous fera savoir qu’en un laps de temps, les colons, qui étaient la plus part, des militaires, ont perdu dix huit (18) des leurs. Le Vieux Pissi a précisé que dans le camp, il y’avait des militaires Blancs et des militaires Noirs. D’ailleurs sur les dix huit (18) décédés, il y’avait trois (03) Blancs dont une (01) femme et quinze (15) Noirs. Pour preuves, les familles des Blancs sont venues tout recemment exhumer les restes de leurs parents à Koury. Les tombes restantes portaient des patronymes comme TRAORE, SANOGO et autres DEMBELE. Le vieux notable Pissi a expliqué que la troupe qui a fondé le camp de Koury est venue de Bandiagara, au Mali qui s’appellait le Soudan Français en son temps. Soumana Djibo dit Pissi a précisé qu’il y’avait un autre camp qui avait été crée à Koury sous la révolution, mais ce camp est différent de celui colonial. D’ailleurs Koury est à sept (07) km du Pont de Léry; pont construit par le Capitaine Président Thomas Sankara. A écouter Soumana Djibo dit Pissi, le départ des colons de Koury avait été salué par ses habitants de l’époque, «mais de nos jours, nous nous rendons compte que ce fut une véritable perte pour le village» sest désolé le Vieux Pissi.Que reste-t-il du camp et du cimetière? Rien ou presque rien. Au fil du temps, les édifices se sont effondrés les uns après les autres, faute d’entretien. Après l’exhumation des restes des militairess Blancs, les tombes des militaires Noirs sont méconnaissables. Selon Jean Paconé Yéyé, notre guide du jour, il y’avait trente deux (32) maisons et le cimetière bien clôturé qui complétait les infrastructures coloniales à trente trois (33).De la visite effectuée sur les lieux, nous ne voyons que des monticules qui signalent des vestiges des bâtisses. Le cimetière est là, mais est entrain de devenir l’ombre de lui-même. Des arbres, des lianes, des perdrix, des singes, ce sont là une partie du décor actuel de ce qui fut le premier camp et le premier cimetière de l’ère coloniale de la Haute Volta, actuellement Burkina Faso. Mais peut-être qu’il n’est pas trop tard pour réhabiliter ce lieu qui pourrait devenir un haut lieu touristique de la Province de la Kossi. Peut-être aussi que cela permettra aux autres familles des militaires Noirs de venir se recueillir sur les tombes des leurs. En tout cas, il n’est jamais tard pour bien faire. Mais en attendant, c’est la nature qui est entrain de reprendre son naturel sur ce haut lieu historique de la Haute Volta, actuel Burkina Faso.
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